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la garnison de la ville se sont bien gardés d'empêcher ces désas–
tres.
Le village de Mandjelik s'est signalé par sa résistance héroïque
ses habitants ont repoussé avec succès les assauts des hordes san–
guinaires; mais leurs munitions sont déjà épuisées, et ils sont
désespérés à la pensée du sort qui les attend.
Des cent cinquante villages arméniens de la vaste province de
Sivas, aucun n'a échappé aux exploits des pillards et incendiaires.
Le vilayet de Sivas ne comptait pas moins de deux cent mille
Arméniens. « Vous pouvez deviner, dit une lettre, les proportions-
que les massacres ont pu atteindre. Sans exagération, i l y a
actuellement, rien que dans cette province, cinquante mille veuves-
et orphelins dont la douleur et la misère sont indescriptibles. »
Les ravages de la plaine de Kharpout ont commencé le 1 0 no –
vembre et ont duré cinq jours. Une cinquantaine de villages sont
complètement dévastés. Les flammes ont détruit le quartier armé–
nien de la ville de Kharpout, ainsi que la plupart des villages,
entre autres Tadem, dont l'église et le presbytère étaient récem–
ment reconstruits.
Les fugitifs de ces malheureuses localités errent misérable–
ment çà et là, dans un dénuement absolu. Beaucoup de riches p r o –
priétaires sont réduits à mendier leur pain. Mg r Arpiaran, évêque
arménien catholique de Kharpout, les prêtres et les religieuses de
rimmaculêe-Conception se sont réfugiés chez les RR. P P . Capu–
cins. Ces bons Pères leur ont fait le plus charitable accueil, ainsi
qu'à un millier de fugitifs. Ils ont aussi prodigué des soins aux
blessés transportés dans leur église.
Suivant les derniers rapports, les victimes des massacres
d'Arabghir s'élèvent à trois mille. Les cadavres ont été entassés
pêle-mêle dans une fosse commune. Quelques-uns ont été privés
de sépulture; d'autres étaient jetés par les assassins dans les
flammes des maisons en feu. Un survivant du massacre, dans une
lettre adressée à un compatriote demeurant à Constantinople, fait
un tableau saisissant de l'aspect lugubre qu'offrait, le lendemain du
désastre, cette ville importante, où, i l y a trois mois à peine, l ' i n –
dustrie et le commerce des Arméniens étaient si florissants :
Fonds A.R.A.M