A Gurune, la population arménienne a été préservée d'une exter–
mination radicale, grâce à la prudence des notables Arméniens
catholiques, de leur curé, le R. P. Arakelian, et de son vicaire,
M . Mardinos-Mighivian. Les braves G-uruniotes résistèrent d'abord
aux attaques des Kurdes (avant le massacre officiel) ; mais des m i l –
liers de Gircassiens et d'autres nomades de diverses tribus, attirés
à dessein par les autorités, finirent par avoir raison de leur cou–
rage.
Par ordre du gouverneur général, le président de la municipa–
lité de Gurune et le capitaine Mourad Bey conseillèrent aux
Arméniens catholiques du quartier Orta Ghoughoud, centre de la
mission, d'arborer le drapeau blanc aux fenêtres de leurs maisons.
La veille de la dernière attaque qui fut terrible, un chef kurde,
Boyraz Oghloud Mehmed Bey, à qui les Arméniens catholiques de
Gurune avaient fourni des vivres, renouvela à ceux-ci, en reconnais–
sance de leur bonté, les recommandations officielles. Ils profitèrent
de leur situation privilégiée pour offrir une hospitalité généreuse
à douze cents Arméniens, tant grégoriens que protestants, réfugiés
chez eux, et ne les laissèrent sortir qu'après avoir obtenu des auto–
rités l'assurance que ces infortunés seraient respectés et protégés.
Cette conduite des catholiques arméniens a touché à un tel point
leurs compatriotes schismatiques ou hérétiques que des centaines
d'entre eux veulent abjurer leurs erreurs. Mais le R. P . Ar ake -
lain, à cause de la délicatesse des circonstances, croit devoir trans–
mettre leur requête à Mgr Hadjian. Les autorités turques manœu–
vrent habilement pour gagner à l'Islam ces pauvres malheureux.
Plus de mille maisons, ainsi que deux églises grégoriennes et
trois chapelles protestantes sont réduites en cendres. Quatorze
cents Arméniens, dont trois
Derders
(
prêtres mariés), sont mas–
sacrés. Un évêque ayant refusé d'embrasser le mahométisme, fut
brûlé vif au couvent d'Aschod. Cent cinquante jeunes filles ont été
enlevées par les Kurdes ; des mères jetaient au fleuve leurs enfants,
préférant les voir périr dans les flots plutôt que tomber aux mains
de ces barbares. Sept mille Arméniens Guruniotes, privés de gîte,
de vêtements, de lits et de nourriture, sont abandonnés dans les rues
en proie à la faipa et au froid. Inutile d'ajouter que les soldats de
Fonds A.R.A.M