Turcs
enturbannês
n'y était que d'un sur cent. Cet insigne carac–
téristique a été aussi arboré à Erzeroum, même par les hauts fonc–
tionnaires.
Le massacre, commencé un peu avant midi, continua jusqu'à la
tombée du j our . Le chiffre des morts dépassait deux mille, dont
deux cent trente femmes et enfants. Les blessés se comptaient par
centaines. Un grand nombre de jeunes filles et d'enfants furent
enlevés. Plus de mille comptoirs et boutiques furent pillés ; environ
cinq cent cinquante maisons subirent le même sort. Dans un khan
en pierre, nouvellement construit, et où se trouvaient les comptoirs
des plus riches négociants arméniens de la ville, soixante-huit
coffres-forts furent spoliés. A Erzeroum, les Gircassiens parvenaient
à les briser en déchargeant un coup de fusil Martini dans la serrure. Les
dégâts de ce khan s'élèvent à2.300.000 francs. Douze autres khans
furent également pillés. Les pertes des Arméniens de Sivas sont
évaluées à 17.250.000 francs.
Je n'essayerai pas de décrire la désolation de la ville au lende–
main des massacres et des pillages. L'esquisse que j ' a i tracée dans
ma première correspondance, en parlant des désastres d'Erzeroum
suffit pour vous donner une idée des scènes qui se sont renouvelées
à Sivas et dans les autres villes de l'Anatolie. Et pourtant elle est
encore bien au-dessous de la triste réalité. Ainsi que j e l'ai déjà d i t ,
les atrocités commises par la soldatesque et par les bandes kurdes
ou circassiennes défient toute description. Les autorités de Sivas
n'ont rien fait pour prévenir ou arrêter les massacres. Au contraire,
elles avaient distribué des fusils aux Turcs ; et les soldats ont comme
à Erzeroum participé au carnage et aux déprédations.
Le curé arménien catholique de Sivas abrita dans son église, au
risque de sa vie, plusieurs centaines de grégoriens qu'il a ainsi
arrachés à une mort certaine. Le soir même de ce j ou r fatal, quinze
soldats, envoyés au consulat de France par le gouverneur général,
durent escorter Mgr Hadjian jusqu'à sa résidence.
A Tokat, les Arméniens ont dû leur salut à la protection de
Férik Moustapha Pacha, ami de Mgr Azarian. Seulement, une i m –
portante ferme, qui servait de revenu à l'Eglise arménienne de cette
ville, a été ravagée et incendiée en partie par les Kurdes.
Fonds A.R.A.M