parlons d'Erzeroum, j'ajouterai sur les désastres de cette ville et
de tout le vilayet, quelques nouveaux détails qui viennent de m'être
communiqués.
Le 9 décembre, un Turc fut maltraité par un autre Turc. Aussi–
tôt la ville entière retentit du cri sinistre de : Ce sont les Arméniens
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qui ont frappé l Le danger d'un nouveau massacre devenait immi–
nent. Un officier turc le conjura en déclarant qu'il s'agissait d'une
querelle entre mahométans. Déjà les bandits cherchaient un pré–
texte pour recommencer leurs atrocités. Quelques musulmans,
animés de bons sentiments avaient prévenu du péril leurs protégés
arméniens et leur avaient recommandé de ne point sortir.
Le 9 ou le 10 du même mois, un fonctionnaire ottoman se pré–
senta au célèbre monastère arménien de Hassan-Kalé ; i l aborda
poliment le supérieur, le R. P. Timothée, et lui demanda l'hospi–
talité. Le soir, après s'y être fait servir un repas somptueux, le
personnage turc donna le signal à des gens armés qui attendaient
au dehors. Ils font immédiatement irruption dans le cloître, déca–
pitent le religieux, ainsi qu'une douzaine de moines ; ils pillent
ensuite et mettent le feu. Ce couvent dix fois séculaire fut réduit
en quelques heures en un monceau dé ruines.
Le P. Timothée jouissait de la réputation d'un homme de bien
dans tout le district, même auprès des musulmans. Le concierge
du monastère était ce jour-là en ville : les autorités ont trouvé tout
simple de l'emprisonner en lui imputant le crime î Vous voyez que
l'enquête judiciaire n'est guère compliquée dans ces pays.
I l est dûment constaté aujourd'hui que le prétendu sous-officier
turc, Emin Bey, dont, la veille du grand massacre, les autorités
d'Erzeroum avaient eu soin d'exhiber le cadavre mutilé aux consuls
étrangers dans le but de justifier les atrocités qui se tramaient,
n'était autre qu'un Arménien du nom de Georges, agent municipal.
On l'avait préalablement affublé de l'uniforme de sous-officier, puis
égorgé, et cela, afin de pouvoir accuser les Arméniens d'avoir pro–
voqué des massacres. On a, d'ailleurs, vu cette machination dia–
bolique ou d'autres analogues dans presque tous les autres centres.
Le jour même de l'assaut général, après trois heures d'une
horrible boucherie, des crieurs publics avaient engagé les Armé-
Fonds A.R.A.M