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Ces faits ayant naturellement alarmé la population de la ville,
elle s'était retirée dans les habitations, après avoir fermé les magasins
et les boutiques. En même temps, l'autorité ecclésiastique armé-
nienneavait fait diverses démarches auprès du commandant en chef
du 4
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corps d'armée et auprès du gouverneur général du vilayet
d'Erzeroum pour solliciter la mise en vigueur des mesures exigées
par cette situation alarmante.
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Toutes ces démarches sont restées sans résultat, alors que les
Arméniens de Baïbourt, se croyant en sûreté par suite de l'arrivée
d'un régiment d'infanterie,qu'on avait envoyé d'Erzinghian, avaient
ouvert leurs magasins et leurs boutiques. Dans la matinée du
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octobre, vers quatre heures à la turque, la populace musulmane,
assemblée en hordes sur les instigations des perturbateurs, a attaqué
les habitations et les magasins des Arméniens, qu'elle a pillés j u s –
qu'au lendemain matin sans même épargner la chaumière de l ' i n d i –
gent. Après avoir emporté toutes les marchandises, on a détruit les
archives et les correspondances commerciales. 11 en a été de même de
nos églises, dont les richesses, consistant en objets du culte, livres
de prières, etc., ont été totalement emportées.
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Les honorables commissaires enquêteurs constateront la vérité
de ces faits par les dégâts causés, dont les traces sont encore
visibles.
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Les habitants mâles de Baïbourt n'ont opposé aucune résistance
aux agresseurs; pourtant, l'archimandrite Khoren Guiroyan, les
professeurs de nos écoles, une partie des élèves et des centaines
d'Arméniens des deux sexes et de toutes classes ont été cruelle–
ment tués et dépecés. On aéventré et retiré le fœtus de plusieurs
femmes enceintes, on a écorché des adolescents de 15 à 16 ans.
On a été jusqu'à perquisitionner les recoins et les cachettes, et l'on
a tué ceux qui avaient pu s'y cacher pour sauver leur vie. Pour
résumer toute cette situation, nous pouvons dire, en un mot, que
des crimes atroces, d'une férocité inimaginable, ont été commis.
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Après tant d'infortunes, nous sommes vouées à présent à la mi -
sère la plus noire, avec nos familles et nos enfants ; nous souffrons de
la faim; nous ne possédons pas même un haillon pour nous protéger
contre les rigueurs de la saison ; nous ne possédons pas de gîte, nos
Fonds A.R.A.M