les Arméniens, qui durent fermer leurs boutiques. Kadry Bey
adressa au Sultan un télégramme, accusant les Arméniens d'avoir
formé le projet de tuer les fonctionnaires turcs pour s'emparer des
rênes du gouvernement
(
sic).
Le 7 octobre, le vali invite le vicaire patriarcal arménien à décou–
v r i r les deux fugitifs, afin de calmer l'effervescence de la populace
turque, sans quoi i l ne saurait, d i t - i l , « garantir la sécurité des
Arméniens » . Le vicaire et les membres du Conseil civil arménien
répondent qu'ils ne savent pas où trouver les fugitifs, qu'il ne serait
pas juste de tenir les 7000 Arméniens de Trébizonde responsables
pour les actes de deux individus, et que, si les autorités refusaient
de garantir la sécurité des citoyens arméniens, ceux-ci n'auraient
plus qu'à s'en rapporter à Dieu. Ils informent les consulats du
danger qui menaçait la vie des Arméniens, mais les représentants
des puissances continuent à croire que tout est pour le mieux dans
le meilleur des mondes possible.
Le lendemain, 8 octobre, les marchands arméniens rouvrent
leurs magasins. Vers midi, on sonne de la trompette ; c'était le
signal du massacre. Des Turcs armés, des brigands lazes et des
soldats envahissent aussitôt les quartiers arméniens et tuent tout
Arménien qu'ils rencontrent dans les rues. Le sang coule en abon–
dance, sous une fusillade bien nourrie. Le vali n'intervient pas,
mais se rend en voiture au bureau télégraphique pour mettre le
Sultan au courant du progrès de la tuerie; i l est suivi du fameux
usurier turc, Nemli-Oghlou Osman.
Les gendarmes attaquent les cafés et les khans et tuent les A r –
méniens avec une férocité indescriptible, n'épargnant ni l'âge, ni le
sexe. Que pouvait faire un Arménien contre cent musulmans armés
jusqu'aux dents ? Tout homme qui opposait quelque résistance
était assailli par de nombreuses bandes de soldats et de bachibo-
zouks et déchiqueté à l'instant. Une famille s'était réfugiée
sur un arbre; les Turcs font successivement feu sur les mem–
bres de cette famille, qui tombent un à un par terre, comme
des oiseaux sous la balle d'un chasseur. Deux jeunes Armé–
niens sont enterrés vifs. Plusieurs se jettent à la mer, mais
sont tués à coups de pierres, ou bien les bateliers lazes t i e n -
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Fonds A.R.A.M