restées absolument calmes, des bords de la Mer Noire à ceux de
la Méditerranée, de Trébizonde à Alexandrette, de Sivas au lac de
Van, qu'il devint évident que la répression d'un insignifiant mouve–
ment ne fut que le prétexte d'un massacre dont les horreurs ont dé–
passé celles des grands massacres de ce siècle : Ghio, Bulgarie,
Syrie.
Sur cette description des massacres, M. A. Leroy-Beaulieu, nous
le répétons, a été d'une sobriété voulue, se bornant à signaler
à ses auditeurs la poignante brochure que vient de publier le
P. Charmetant :
.
«
Tableau officiel des massacres d'Arménie,
dressé après enquêtes par les six ambassades de Constantinople,
et statistiques dressées par des témoins oculaires, grégoriens et
protestants, des profanations d'églises, massacres d'ecclésiastiques,
apostasies forcées, enlèvements de femmes, avec carte de la région
des massacres. »
La lecture de ce document, dans son officielle sécheresse, est
absolument poignante : c'est la reproduction en
fac simile,
vilayet
par vilayet, des rapports des ambassades ; le document comprend
cinq colonnes : localités, — dates, — morts, — récits des événe–
ments; leurs causes, — attitude des autorités et de la population.
Le chiffre des morts
comptés
est de 25 à 30.000; mais à chaque
page le document porte les mots :
chiffre inconnu.
On n'a accepté,
en effet, et reproduit dans ce document que les chiffres officielle–
ment constatés par les consuls européens. Mais i l a été souvent
impossible, particulièrement dans le cas des villages, de rien con–
naître sur leur sort, sinon que la région a été entièrement dévastée,
les maisons détruites, les habitants massacrés ou dispersés : i l en
a été notamment ainsi dans les vastes districts de Van, Karpouth
et Diarbékir. I l est donc certain que le chiffre des morts est
beaucoup plus considérable que ceux que l'on a pu compter dans
les cantons accessibles. I l dépasse certainement 100.000, aux–
quels il faut joindre les villages obligés d'apostasier et les malheu–
reux chassés sans ressources dans les montagnes. Tels sont les
faits.
Quant aux causes premières de ces massacres ; M. Leroy-Beau–
lieu en note trois : l'inaction des puissances, qui ne se sont pas
Fonds A.R.A.M