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des familles arméniennes ! C'est plutôt en Cilicie qu'on devrait
envoyer les familles arméniennes qui ne veulent plus rester dans
leur patrie séculaire. I l y a en Cilicie de vastes terrains inhabités ;
c'est un pays fertile qui pourrait nourrir une population beaucoup
plus nombreuse; sa position géographique le long des côtes
de la Méditerranée convient admirablement à un peuple qui a le
génie du commerce. Les immigrés arméniens y trouveraient d'ail–
leurs des compatriotes qui les aideraient, des écoles, des églisesetdes
couvents qui pourvoiraient à leurs besoins intellectuels et moraux.
La Porte ne permet pas l'exportation de ses contribuables armé–
niens. Elle leur permet pourtant de changer de province. Dans le
cas où elle s'opposerait à leur émigration en Cilicie, on fera mieux
de les envoyer en Chypre. D'Alexandrette en Chypre, la disrance
n'est pas grande et le transport coûte peu. Les chrétiens de l ' A r –
ménie retrouveraient la vie orientale dans cette île asiatique.
C'est d'ailleurs, une île hospitalière, puisque 60.000 Maronites,
harcelés par les Turcs, y ont cherché refuge en 1193 et obtenu
de Guy de Lusignan des terres où ils ont formé 62 villages, devenus,
plus tard, très florissants. Nos compatriotes pourraient compter,
de plus, sur la sympathie naturelle de la colonie arménienne qui
s'est fixée en Chypre depuis des siècles et qui possède, en Nicosie,
une église dédiée à la sainte Vierge, et, dans les montagnes, un
monastère dédié à S. Macar. Ils seraient bien accueillis, nous n'en
doutons pas, par tous les insulaires, d'autant plus que leur séjour
aura un caractère
provisoire.
Nous soulignons à dessein ce dernier mot. Chypre est et restera
une île grecque. Les émigrés arméniens rentreront en Cilicie dès
que l'ordre et la paix y auront fait l'apparition. Le régime inauguré
par Abd-ul-Hamid ne saurait durer longtemps. Ce despote sera
détrôné ou assassiné. Si, par miracle, i l échappe au châtiment, i l ne
saurait échapper à la.mort naturelle.* Quel que soit son successeur, i l
sera meilleur que ce diable incarné. Sous le nouveau règne, nos com–
patriotes pousseront un soupir de soulagement, et les Arméniens,
réfugiés en Chypre et ailleurs, reprendront le chemin de la patrie.
L'Arménie,
15
juin 1896.
Fonds A.R.A.M