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Émigration des Arméniens.
Nous annoncions dans notre dernier numéro, qu'un philarmène
américain, M . W . - W . Howard, invitait les Arméniens de Turquie
à émigrer en Amérique du Sud, en Australie, en Afrique du Sud,
en Perse, en Russie et en Sibérie, et que le Comité du duc de West–
minster se proposait de les transporter d'Alexandrette en Nyassa-
land, à Beira, à la baie Delagoa ou en quelque autre région de
l'Afrique du Sud anglaise.
La conception d'un tel projet est un aveu de l'impuissance de
l'Angleterre et de l'Amérique à améliorer le sort des Arméniens
dans leur pays natal. Après avoir beaucoup parlé'et beaucoup écrit,
elles se voient réduites à accepter la plus triste des solutions :
l'exode en masse. Elles ne sont pas même heureuses dans le choix
des pays où elles poussent nos compatriotes.
Passe encore d'envoyer les Arméniens en Perse ou en Russie, de
l'autre côté de la frontière; mais les diriger vers la Sibérie, comme
une caravane de criminels! Transporter en Afrique du Sud, en
Amérique du Sud et en Australie tout un peuple qui est resté atta–
ché à son sol depuis plus de quarante siècles ! Une pareille coloni–
sation pourrait offrir des avantages à des propriétaires anglais ou
américains qui voudraient peupler et faire fleurir leurs terrains
inhabités et incultes ; mais elle aurait sûrement consommé l'extinc–
tion du peuple arménien.
Une partie des émigrés succomberait à un si long voyage, le reste
à la nostalgie et surtout au climat torride des pays en question. Les
survivants se sentiraient tout à fait désorientés au milieu d'étran–
ges populations, dont la langue, la religion et les mœurs n'ont rien
de commun avec les leurs.
Pourquoi dépeupler la Cilicie, en transportant d'Alexandrette
Fonds A.R.A.M