L A T U R Q U I E N O U V E L L E E T L ' A N C I E N R É G I M E
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Quelques jours plus tôt, le « Comité de l'Union des femmes
ottomanes » — le titre est assez significatif — faisait célé–
brer à la mosquée Yenidjami un service religieux en
mémoire des « Martyrs de la Liberté » ; des femmes de tout
rang y ont assisté (aucun peuple n'est plus démocrate que
le peuple Turc
x
)
et on pouvait y voir la hanoum effendi
veuve du sultan Mourad V, les princesses Chadié sultane,
fille du sultan actuel ; Fehlmé sultane ; la femme du prince
Sabaheddine, l'autre bru de la princesse Seniâh sultane, etc.
Non, ne croyez pas que toutes les habitations des femmes,
tous les harems, soient exactement décrits par les roman–
ciers à la mode, par les conteurs des
Mille et une nuits
ou par le poète des
Orientales.
Ne vous imaginez pas
qu'on n'y pense qu'à des futilités et qu'on n'y entende
que des mièvreries et des fadaises, de ces « chants
d'oiseaux » fous, comme ceux que l'on pouvait retrouver,
ces jours-ci, dans un somptueux illustré, d'après une fraîche,
mais fort inexacte composition de Rochegrosse. I l n'y a pas
que des « Têtes de linotes » en Turquie. Les névrosées, au
dire des personnes compétentes, y sont en fort petit
nombre, tout à fait une exception. Ces femmes turques,
que l'on vous a données comme des poupées sans réflexion,
ni jugement, ont parfois des âmes de patriotes, qui com–
mandent le respect et l'admiration. Plus d'un des réforma–
teurs doit à sa mère une partie des sentiments élevés qui
l'ont guidé ; beaucoup d'autres ont été admirablement sou–
tenues, dans leurs efforts, par leur sœur ou par leur femme.
enfant, Fétijé, qu'il avait dû quitter, dix-huit mois après sa naissance
et dont il fut privé chaque jour pendant près de neuf années ; cela seul
dira à toutes les mères, et aussi à tous les pères, la constance de ses
sacrifices.
1
«
Les Ottomans sont
démocrates
de mœurs et de religion. Les
«
institutions libérales sont donc les mieux appropriées à leur éduca-
«
tion sociale », a écrit, le 21 mai 1875, Midhat pacha (Autographe repro–
duit dans
Midhat pacha
par L . Leouzon Le Duc (Paris, 1877, in-8°).
Fonds A.R.A.M