LA TURQU I E NOUVEL LE ET L'ANCIEN RÉGIME
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Tout cela ne peut pas être réglé sans travail, sans argent,
sans emprunts. Mais avec de l a droiture, de l a sincérité, des
efforts, on pourra tout obtenir de la bonne volonté des
peuples ottomans, si l'on n'abuse pas de leur confiance.
A notre devise de
Liberté, Égalité, Fraternité,
qu'elle a
adoptée tout de suite, la Turquie nouvelle a ajouté ce mot,
J U S T I C E !
(
Adalet)
qui est tout un programme, à moins que
ce ne soit tout simplement un mot. Si le gouvernement
lui reste fidèle, ce sera un grand honneur pour l a nation
ottomane \
1
J ' a i le regret d'ajouter aujourd'hui que, par des abus d'autorité,
par son exclusivisme, par ses visées véritablement despotiques, l a
demi-douzaine de membres du Comité Union-Progrès qui mènent les
autres,
à
leurs corps défendant, croit-on, semblent avoir fait perdre
à
ce groupe une partie de son prestige ; ils risquent de tout perdre, si
cela continue, aux yeux des Amis de l a Turquie et aux yeux des Otto–
mans eux-mêmes. U n député français, M. Joseph Reinach, écrivait
au
Temps,
le 9 janvier dernier, à son retour de Constantinople, pour
signaler ce danger qui n'est pas dans l a nation, mais seulement
dans une coterie. « S i le mot de Tu r c ou d'Ottoman, disait-il,
devait être entendu, s'il était entendu au sens politique et non pas au
sens technique et au sens religieux, l a représentation des Grecs et celle
des Arméniens (et il eût pu ajouter, celle des Arabes) seraient au Par–
lement triples ou quintuples de ce qu'elles sont. L e Comité Union-
Progrès, qui est, à côté et même au-dessus du ministère, le vrai gouver–
nement de l a Turquie, depuis six mois, ne l ' a point entendu ainsi. I l
a fait annuler par mesure administrative les scrutins qui auraient fait
entrer
à
l a Chambre un nombre considérable de députés grecs. A u x
députés grecs et aux députés arméniens il a fait l a part strictement
suffisante pour permettre de dire au monde occidental que toutes les
races et toutes les religions sont représentées à l a Ch amb r e . . . »
Le correspondant du
Times
fit la même remarque et
l'Hellénisme
(
janvier 1909) montrait par des chiffres que dans le seul vilayet d'An–
drinople l a population turque, de 564.000 habitants, eut 9 députés ;
la population non turque de 533.000 habitants n'en eut qu'un seul.
Lourde faute ! Bon nombre de journaux ottomans l'ont fait remar–
quer. Se plaignant du « Panturquisme le plus intransigeant » et le
plus dangereux, un personnage écrit à l a
Correspondance d'Orient
( 1
e r
janvier
1909),
dans le même sens : « L e s élections dirigées (par
leur Comité) vinrent à l'appui. L e Parlement sera T u r c en majorité,
puisque 5 millions de Grecs, 10 millions d'Arabes et 4 ou 5 millions
Fonds A.R.A.M