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L A T U R Q U I E N O U V E L L E E T L ' A N C I E N
R E G I M E
allait s'éteindre, à 48 ans. Jusqu'à son lit d'agonisant, car sa
maladie s'aggrava sous les préoccupations et les ennuis de
l'exil, tous les surveillants et les tourmenteurs s'étaient
transportés à Bruxelles pour guetter cette proie : on espé–
rait un affaissement de la volonté ; on cherchait à escamoter
un acquiescement, même posthume : trop pressés, l'on voulut
même chanter, à l'avance, le triomphe escompté sur ce mori–
bond, quand Damad Mahmoud pacha, presque à la veille de
sa mort, ranima ses forces défaillantes et rédigea une noble
et patriotique protestation, contre de fausses nouvelles qui
eussent déshonoré sa fin, plus encore ! porté le découra–
gement, le désespoir parmi tant de patriotes et de libéraux,
que sa fuite et sa constance avaient soutenus et réconfortés \
La soumission de Damad Mahmoud pacha et de ses fils à
Yldiz Kiosque eût anéanti pour longtemps le mouvement
émancipateur ; pour toujours, peut-être, car elle eût incon–
testablement produit un recul, et i l devenait urgent d'em–
pêcher la Turquie de périr. Aussi l'on n'avait pas manqué
de comprendre à Yldiz que, malgré tout, la présence hors
de la Turquie du beau-frère du Sultan, d'un homme intègre,
loyal, désintéressé, comme le gendre d'Abdul Medjid, puis,
plus tard, de son fils le prince Sabaheddine, étaient un
péril constant pour l'ancien régime, que la population tout
entière abhorrait — sauf quelques bénéficiaires de cette
anarchie.
Invariablement, Damad Mahmoud pacha répondit ce que
répondit toujours le prince Sabaheddine: — « Nous ne
demandons rien pour nous. Nous voulons la justice pour
tous, l'égalité pour tous, à quelque religion et à quelque natio-
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Ahmed Riza écrivait, sur cet exode, dans le
Mechveret
du
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er
janvier 1900 : « Nous considérons cet acte courageux de Mahmoud
pacha comme un événement des plus heureux, non seulement pour
le parti de la Jeune Turquie, mais pour le peuple tout entier ; il
trouvera un écho dans le cœur de tous ceux qui ont juré de servir
la cause sacrée de la patrie. »
Fonds A.R.A.M