LA. TURQUIE NOUVELLE ET L*ANCIEN RÉGIME
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rassuré sur l'existence de ses fils
1
.
Je n'oublierai jamais les
accents d'inquiétude de ce père excellent me demandant si
je croyais que de tels dangers fussent vraiment possibles,
dans un pays libre et hospitalier comme la France !
Ses doutes s'expliquaient en une certaine mesure par
l'absence de tout scrupule qu'il connaissait au Palais, et
aussi par la déception profonde qu'il éprouvait en voyant
une grande partie de la presse européenne seconder, contre
lui, les efforts d'Yldiz, alors qu'il s'était imaginé, dans son
inexpérience des hommes et des choses et dans sa grande
honnêteté, que son témoignage, si autorisé, suffirait seul à
déchirer tous les voiles et à susciter un toile général contre
la tyrannie au pouvoir.
Pour le faire fléchir, tout fut employé ; tout échoua. Plus
de vingt émissaires que je pourrais nommer — des officiers,
des ministres, des ambassadeurs étrangers, le Khédive lui-
même — lui furent envoyés à lui et à son fils; le prince
Sabaheddine
2
,
la bouche pleine de promesses ou de menaces,
en France, en Suisse, en Egypte, à Corfou, en Belgique, où il
1
h'Européen
du 28 novembre 1903 cite ces propos.
2
«
Qu'ils le connaissaient peu, écrivais-je dans
Patria,
le 15 no–
vembre 1905, ceux des nombreux ambassadeurs chargés par le
Sultan de le convertir à l'idée d'un retour en Turquie, lorsqu'ils lui
rappelaient les facilités, les charmes de son existence personnelle sur
les rivages du Bosphore, les fastes des palais de Tchamlidjà et de Ko u -
routchesmé, qu'il avait quittés pour se dresser contre l a t y r a n n i e . . . ,
dénoncer ses crimes au monde entier et travailler à préparer pour son
pays un régime meilleur : « N'eussé-je que les quatre murs d'une
«
mansarde, leur répondait-il invariablement, dussé-je même me voir
«
priver du nécessaire (le Sultan séquestra tous ses revenus), je ne
«
rentrerai, pas plus que mon père, en Turquie, sous le régime
«
actuel. J'en ai donné ma parole. Je le dois à tous ceux qui souffrent
«
là-bas, princes et p e u p l e . . . »
L e second fils de Damad Mahmoud pacha, le prince Loutfoulah,
ayant essayé de venir momentanément à Constantinople, sous un
faux nom, fut trahi et livré au Palais par Munir bey, l'ambassadeur
de Paris, et ses espions. (V., notamment,
VIntransigeant,
19
novembre
1903 ;
le Siècle,
5
août 1905.)
D E U T S C H E B I E L I O T HE K
Fonds A.R.A.M