L A T U R Q U I E N O U V E L L E E T L ' A N C I E N RÉGIME
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D ama d Mahmoud pacha de ne pas s'éloigner davantage du
Bosphore. D'autre part, malgré les protestations de notre
chargé d'affaires, on fait, aux Dardanelles, arrêter, de
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heures du matin à 7 heures du soir, le
Congo
sur lequel on
s'imagine que les princes ont pris passage, ajoutant que,
s'il refuse l a visite, on ne doit pas hésiter à le couler
bas, quelles qu'en pussent être les conséquences.
Mais à l'heure même où, par une tactique habile, le Palais
reçoit l a nouvelle de leur départ, Dama d Mahmoud P a c h a
et ses fils n'ont pas encore quitté Constantinople. E t , grâce
à ce stratagème, ils eurent, en passant aux Détroits, le plaisir
de voir que, pendant qu'on fouillait le
Congo
(
ce qui valut
une forte indemnité aux Messageries Maritimes), l a
Géorgie,
sur laquelle ils avaient pris place, obtenait le libre parcours.
Quittant assez fréquemment le palais de Kouroutchesmé,
sur l a rive d'Europe, pour le palais de Tchamlidja, sur l a
côte d'Asie, ou pour sa maison de Pendick, sur l a ^Mar-
mara, il avait été possible, au Pa c h a , non sans grandes diffi–
cultés cependant, d'échapper aux espions et de prendre
place, par une matinée brumeuse et froide, le 14 décembre
1899,
à bord d'un remorqueur qui fit toute l a journée le
service du port, au milieu des embarcations de l a police,
d'ordinaire si perspicace et, ce jour-là, complètement
aveugle. L a nuit venue, vers 6 heures, au large de S a n
Stefano, les fugitifs étaient montés à bord du navire fran–
çais, sous des noms d'emprunt. Maintenant, ils avaient
franchi les Dardanelles et pouvaient respirer un peu.
Qu'allait faire le Palais ?
Dama d Mahmoud pacha l'apprit, en arrivant à Marseille.
O n voulait l'avoir à tout prix ; on demanderait donc l'extra–
dition : on se flattait de l'obtenir. Afin d'y arriver, on imagina
une odieuse calomnie (et c'était une habitude pour les
fugitifs de marque) : des coquins avérés ne craignirent pas
d'écrire et de télégraphier à toute l'Europe que ce grand
honnête homme était u n voleur, que son intelligence était
Fonds A.R.A.M