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L A T U R Q U I E N O U V E L L E E T L ' A N C I E N
R E G I M E
i l a passé sept années dans un cachot et i l venait de s'enfuir
quand éclata la révolte de 1908.
En même temps que Nazim pacha, dans les mêmes condi–
tions d'injustice, le maréchal Fouad pacha, le vainqueur
d'Ellena, à qui Constantinople vient de faire une rentrée
magnifique, était exilé à Damas. De même, le patriarche
Izmirnian, autre victime de la camarilla, récemment rendu
à l'affection, à l'estime des Arméniens qui l'ont réélu,
r
ces
jours-ci, patriarche de Constantinople.
Ainsi de t an t d'hommes, de tous rangs et de tous grades,
officiers, médecins, avocats, sophtas, ulémas, prêtres de t ou t
rite, qui , proscrits en nombre incalculable, n'auront pas
tous pu voir la Renaissance de la Turquie, car la misère,
la détention, les supplices, la mort secrète, sont venus à bout
de leur énergie et de leur vaillance.
—
J'ai passé, sans voir la lumière du jour, huit mois dans
un cachot de T r i p o l i
1
,
me disait à Smyrne, ces semaines
dernières, un brave jeune homme dont les cheveux avaient
déjà blanchi et qui me laissa voir ses doigts déformés par
le bourreau.
—
Vous étiez désespéré? fis-je.
E t lui, de sa voix la plus calme et la plus douce, i l me
répondit :
—
N o n . . . Plusieurs sont morts autour de nous. Nous
pensions que si l'on ne nous délivrait pas enfin, quelque jour,
'
Ce fut le supplice de nombreux élèves de l'École militaire de
Pancaldi, parmi lesquels notre ami A . Fazli bey (le dévoué secré–
taire général de la
Ligue d'Initiative
privée, Constitution
et décentra–
lisation,
à Paris, l'un des principaux fondateurs, à Constantinople, de
l'Union libérale ottomane,
que l'on calomnie lorsqu'on lui donne des
visées de « fédéralisme », d' « autonomie », de « séparatisme », on
devrait le savoir), un Jeune Turc dont la droiture, l'énergie et l'intel–
ligence doivent rendre de grands services à la Nouvelle Turquie.
Voir son interview dans le
Monde Hellénique
d'Athènes, 13 août
1908
et sa lettre au
Siècle,
du 5 août 1905.
Fonds A.R.A.M