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L A T U R Q U I E N O U V E L L E E T L ' A N C I E N R E G I M E
A Gonstantinople, au x v
e
siècle, quand le Sultan Maho–
met I I conquit l a capitale actuelle de l'empire T u r c , voulut-il
courber tout le monde sous le même joug? non pas. A u x
chrétiens, aux Grecs, aux Arméniens, il entendit conserver
les franchises dont ils n'ont pas cessé de jouir : le libre et
public exercice de leur culte, leurs langues, leurs lois civiles,
leurs tribunaux et leurs écoles chrétiennes « sur lesquelles
«
le gouvernement n'a jamais exercé de contrôle
h »
On vit même ce fait inoui : lorsque le patriarche grec
fut reçu solennellement au Palais impérial, le sultan, qui
jamais ne se levait devant qui que ce fût, dérogea à cet
usage, en l'honneur du chef spirituel d'une nation conquise ;
Mahomet I I fit dix pas au-devant de l u i , le prit par l a
main et le fit asseoir à son côté ; puis i l lui donna, comme
en une sorte de nouvelle investiture, un sceptre qui est
encore aujourd'hui porté devant le Patriarche actuel dans
les grandes cérémonies
2
.
Aujourd'hui encore, les soldats turcs — jusqu'à ce jour,
tous exclusivement musulmans — font une garde d'hon–
neur à nos processions de l a Fête-Dieu, escortent nos évêques
et présentent les armes au Saint-Sacrement ! Nos missions
sont dispensées d'impôts. Voilà le spectacle que nous offrent
en Turquie, ces prétendus fanatiques et intolérants !
Citoyen d'un pays catholique, qui a toujours marché à l a
tête de l a Civilisation, chrétien et français, il me serait
aujourd'hui particulièrement douloureux de trop insister.
Mais n'est-ce pas aussi le conquérant de Constantinople qui
entretint avec le Pape Nicolas V des relations tellement
amicales qu'il alla jusqu'à lui faire entrevoir qu'il ne serait
1
Midhat pacha,
La Turquie
(1878),
p. 14.
s
Ibid.
Fonds A.R.A.M