L A T U R Q U I E N O U V E L L E E T L ' A N C I E N RÉGIME
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malgré elle, par ordre supérieur, que ces tueries eurent lieu.
A Césarée (1895), un officier de haut grade déclarait que, s'il
n'avait été commandé par le Palais, i l eût, avec la popula–
tion turque, empêché les massacreurs d'entrer dans le dis–
trict d'Akdagh Maden. A Sivas (1896), les notables musul–
mans ne pouvaient maîtriser leur indignation contre Yldiz,
qu'ils accusèrent formellement d'avoir ordonné ces crimes,
comme le rapporte le
Mémorandum du Foreign Office
remis
le 21 octobre 1896 à notre ministre des Affaires étrangères
par l'ambassadeur d'Angleterre. A Stamboul même, à
Koum Kapou, quartier du Grand Patriarcat arménien,
c'est un commandant musulman, Hassan Aga, qui chasse
les bandes d'égorgeurs. J'abrège, i l le faut bien. Ces traits
d'humanité si louables, c'est à chaque ,pas et chaque
jour qu'on a la satisfaction de les constater. Partout des
Turcs protégèrent des Arméniens, à leurs propres périls. Et
l'on vit alors, à Sainte-Sophie, des prédicateurs fulminer
contre les massacres, rappeler que les chrétiens de l'em–
pire ne sont pas des ennemis, que ce sont des hôtes, des
frères.
Sans remonter aussi loin — cette année même, — i l n'y eut
pas moins de 90 musulmans arrêtés, ensemble, y
compris le
mufti,
jetés en prison et soumis à la torture, pour avoir
défendu les chrétiens contre les brutalités des émissaires
d'Yldiz, qu'on avait envoyés pour les piller et les massacrer.
C'est à ce propos que les deux Comités libéraux ottomans,
à Paris, le comité d'initiative privée, « Constitution et décen–
tralisation » (fondé par le prince Sabaheddine) et le comité
«
Union et Progrès » communiquèrent ensemble à la presse la
note suivante : « Les partis Turcs d'opposition protestent avec
«
indignation contre les atrocités commises dans les diverses
«
provinces de l'empire ottoman, notamment à Van, et
«
contre les tortures infligées dans les prisons d'Erzeroum
«
aux Turcs et aux Arméniens qui réclament le régime
«
représentatif. »
Fonds A.R.A.M