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L A T U R Q U I E N O U V E L L E E T L ' A N C I E N RÉGIME
cisme, ses évêques, ses missionnaires, ses admirables reli–
gieuses n'ont été aussi libres et aussi protégés qu'à Cons-
tantinople », a dit avec raison l'un des plus courageux
évêques de France %
Un capucin, d'une haute intelligence, qui depuis seize
ans habite les contrées où les Arméniens ont tant souffert,
me le répétait encore, il y a deux mois à peine : i l n'est pas
vrai que le Croissant soit l'ennemi de la Croix. Il n'est pas
vrai que le Koran et le Chéri, que les textes et les ensei–
gnements de la théologie musulmane prescrivirent la haine
du Christ. C'est le contraire qui est vrai. I l n'est donc pas
juste de dire que, par religion, le Turc soit intolérant et
fanatique.
Surtout, ne nous parlez pas des massacres de 1894-1896,
car ils nous fourniraient précisément des témoignages
indiscutables contre le prétendu fanatisme des Musulmans.
Vous comprendrez que je ne puisse pas traiter à fond cette
question qui a fait couler tant d'encre, après avoir fait couler
tant de sang. Mais permettez-moi, je vous prie, une simple
interrogation : si les massacres d'Arméniens ont été suscités
par des haines anti-chrétiennes, expliquez-moi pourquoi,
hormis ies Arméniens (et encore certaines catégories
d'Arméniens), pas un chrétien n'a été massacré dans ces
tueries.
Et pourtant les rites catholiques ne manquent pas, ni les
sectes chrétiennes; personne n'a souffert : ni les latins, ni les
maronites, ni les syriens-unis, ni les grecs-unis melkytes, ou
syriens catholiques, ni les chaldéens-unis, ni les Bulgares-
unis, ni les Grecs orthodoxes, ni les Syriaques ou Jacobites,
ni les Nestoriens, ni les protestants, ni les Anglicans, tous
chrétiens, tous épargnés, — sauf certains Arméniens? Si
1
Mgr Turinaz, évêque de Nancy, cité par Ahmed Riza :
La crise
de l'Orient,
Paris 1907, in-8°, I, p. 45
Fonds A.R.A.M