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LA T U R Q U I E N O U V E L L E E T L ' A N C I E N R E G I M E
Mais, j'entends l'objection? Et les incursions des Turcs
en Europe? Et les massacres des Arméniens ?
Pour les époques reculées, où des chrétiens ne furent pas
toujours chrétiens, avouons-le
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,
il faut, de toute impartialité,
reconnaître aussi que les Musulmans ont bien pu, et par les
mêmes passions humaines et par les mêmes influences de
temps et de milieu, ne pas être toujours fidèles aux pres–
criptions de leur religion. Le Koran a des
Sourates
belli–
queuses d'une importance relative, occasionnelle, transi–
toire ; oui, sans doute, mais le Deutéronome a aussi ses ver–
sets prêchant l'extermination des hommes, des femmes et
des enfants. Oui parfois, au moyen âge, l'ennemi, pour les
Musulmans, ce fut le chrétien; mais, entendons-nous, ce
n'est pas comme chrétien qu'il était l'ennemi, mais c'est
parce que l'adversaire, l'ennemi, était chrétien, que le chré–
tien, synonyme d'ennemi, était exécré ; l'ardeur de la bataille
et l'explosion des passions amenaient souvent à confondre
l'un et l'autre. Et puis ! il faut admettre qu'il s'est passé bien
des choses depuis lors. Autant vaudrait dire que l'Angle–
terre, qui vient de voir à Londres, circuler dans les rues,
40.000
catholiques, des prêtres (bon nombre en habit de
choeur), des cardinaux, desévêques, pour le Congrès eucharis–
tique, est intolérante, parce que, sous la reine Elisabeth, la
conversion au catholicisme était punie de mort, parce qu'on
infligea d'horribles supplices à des moines, pour cause de
religion, parce que Henri V I I I supplicia 70.000 catholiques!
Autant vaudrait dire que la Norvège, dont la Chambre, il y
a dix ans, abrogeait les lois interdisant nos congrégations
religieuses, est intolérante, parce que, comme dans la Grande
Bretagne, il y a moins d'un siècle, la profession de catho–
lique était condamnée à la peine capitale. Les Anglais, les
Norvégiens ont évolué. Pourquoi les Turcs n'auraient-ils pas
'
V.
La chanson de Roland,
v. 101 ;
Taine,
Hist. de la littérature
anglaise
(1895),
t. II, p. 121 ;
Léon Gautier,
La Chevalerie,
p. 750, etc.
Fonds A.R.A.M