L A T U R Q U I E N O U V E L L E E T L ' A N C I E N R É G I M E
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à dire la vérité, sauf les Turcs de la Caïnarilla du Palais,
plus éloignés de la Turquie, plus ennemis de leurs pays,
consciemment ou non, que les pires de leurs r i v a u x . . . .
Les seuls Français, peut-être, qui connaissaient les Turcs,
avec nos prêtres, les frères et les sœurs de nos écoles, ce
furent les rares officiers français envoyés en mission et se
trouvant ainsi en contact avec les musulmans. Ce sont eux,
comme feu Lecocq pacha et le commandant Chopart, fils de
l'amiral français (pour ne parler que des morts) qui m'ont
ouvert les yeux, les premiers. D'autres aussi, et je me
souviens avoir entendu dire à M. Gabriel Bonvalot que
quand i l entreprit, avec le prince Henri d'Orléans, son
expédition au Thibet, i l ne voulut employer que des por–
teurs turcs : « Avec ceux-là, disait-il, je suis certain de n'être
ni trahi, n i trompé. » E t le trait suivant suffirait à caracté–
riser la candeur de la race. Lorsque l'intrépide explorateur
dut se séparer de ses hommes, il voulut remettre au chef une
reconnaissance de dettes à toucher au Consulat de France :
le Turc ne le permit point. — A quoi bon? lui dit-il, vous
savez ce que vous nous devez, ce papier est donc i nu t i l e . . .
C'est ainsi que raisonne le Turc non gangrené par Yldiz ;
celui-là est bien de sa race, de la race aux traditions bibliques
qui, si vous vous présentez chez lui , hôte inconnu, vous
donnera sa plus belle chambre et, s'il n'a qu'une chambre,
couchera dans un coin, au besoin demeurera dehors.
L'auteur
d'Emile
(
livre IV) disait, cela n'a pas changé
depuis : Les Turcs « sont par principe de religion, hospita–
liers, même envers les ennemis de leur culte ». Et M. de Met-
ternich, peu connu (du moins jusqu'à ces derniers temps)
pour avoir le cœur bien tendre, parlant de la Turquie, écri–
vait en 1839 : «Le peuple y est
bon
1
.
»
C'est le jugement de
tous ceux qui ont pu le bien connaître, et les derniers événe–
ments ne sont point pour le modifier.
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Lettre sur les réformes a?Abdul Medfid,
3
décembre
1839.
Fonds A.R.A.M