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L A T U R Q U I E N O U V E L L E E T L ' A N C I E N R É G I M E
blàble que cela paraisse. Chacun vivait à part, dans un autre
monde, et tellement isolé, que plusieurs ottomans, même
des Turcs, m'ont avoué qu'un livre, paru, i l y a un an, et dû
à l'un de nos compatriotes
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fut, pour les indigènes, une
véritable révélation.
—
L'auteur, me disait un journaliste musulman, l'auteur,
quoique Français, a trouvé le moyen de nous apprendre
à nous connaître nous-mêmes.
I l faut avoir vécu dans l'intimité des Ottomans pour
comprendre ces étrangetés...
Je me souviens avoir beaucoup étonné l'ambassadeur
d'une grande puissance, lorsque, essayant, il y a cinq ou six ans
déjà, de l'intéresser à la libération des Ottomans je lui dis,
désolé de constater une certaine ignorance de l'état des
esprits (pas plus que les autres il ne voulait croire aux évé–
nements de 1908, que je m'attachais à lui faire entrevoir
alors, avec une conviction dont ma plume a laissé bien des
traces):
—
Pardonnez ma franchise, mais je suis convaincu que,
malgré votre long séjour à Constantinople, Votre Excel–
lence ne connaît pas les Turcs ! — Vous prétendez bien les
connaître, vous ! me dit-il surpris, un peu vexé. — Com–
prenez moi. Voici un livre dont nous ne parlons pas
la langue. Vous, vous vous donnez, en vain, beaucoup de
peine, afin d'en pénétrer le sens ; vous avez, en cela, beau–
coup de mérites ; pour moi, je n'en ai aucun, puisqu'on
m'en offre une traduction fidèle. Mais je vois clair et vous
restez dans le brouillard. Convenez que tous les Ambassa–
deurs en Turquie, véritables vice-rois à Péra ou à Thérapia,
mènent une vie fort calme et fort douce. Mais ils n'ont,
pour les renseigner, que des Grecs, des Arméniens ; ils
n'ont pas de Turcs, qui risqueraient leur repos, leur vie
Paul Fesch.
Constantinople aux derniers jours
d'Abdul-Hamid,
in-8°, Paris, Rivière ; in-8° illustré, imprimerie Germain et G. Grassin,
à Angers.
Fonds A.R.A.M