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LES TURCS ONT PASSÉ LA..
les manifestants. Et la haine et la colère allaient en
grandissant contre les arméniens.
Sur ces entrefaites survint le meurtre d'un armé–
nien qui fut trouve une nuit assassiné en pleine rue.
Cela suffit.
Les arméniens ayant considéré cet assassinat
comme le signal des troubles, se sont de bonne
heure barricadés chez eux, et le lendemain le marché
d'Adana resta fermé ainsi que tous les magasins. La
circulation dans les rues s'en ressentit. Les plus
braves des arméniens s'occupèrent à protéger le
quartier arménien. Au nombre d'une cinquantaine,
des jeunes gens furent postés à l'entrée de ce quartier
prêts à livrer bataille.
Il est vraisemblable que les choses en seraient
restées là, que l'ordre eût pu vite être rétabli si le bruit
ne s'était pas répandu à Adana des désordres révolu–
tionnaires qui venaient d'éclater dans la capitale.
Mardi est un jour de marché à Adana.
Les villageois des environs s'y rendent en foule dès
le matin, et ne regagnent leur foyer que la nuit
venue. Ce mardi-là, les villageois ne quittèrent pas
Adana. Le lendemain, à l'aube, des coups de feu
espacés se firent entendre ; tous les magasins fer–
mèrent et dans la rue, les arméniens étaient mas–
sacrés sans pitié.
Le martyre des massacrés d'Adana, tel qu'il me
fut conté, dépasse en horreur l'Inquisition du moyen
âge.
Un témoin de ces scènes sanglantes me conta
qu'une arménienne s'étant trouvée dans les rues, cou-
Fonds A.R.A.M