LES TURCS ONT PASSÉ LA.
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les détails de la tragédie rouge d'Adana, cependant
que le corps frissonnait, que nos lèvres se taisaient et
que pleurait notre cœur. C'est à Constantinople que
l'historien désireux de connaître la vraie raison des
massacres d'Adana, devra aller chercher.
Si Constantinople n'avait pas été le théâtre du
coup d'État du 30 avril, rien ne serait arrivé à Adana.
Les tristes héros de ces sanglants événements ont
reçu les encouragements de la capitale avant de com–
mettre ce qu'ils ont commis.
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a fallu pourtant qu'il y ait un motif, et ce motif
était tout trouvé. Une arménienne d'une rare beauté,
mariée à un jeune homme également beau, était
depuis un certain temps en butte aux galanteries de
deux turcs qu'elle s'empressa de dénoncer à son
époux. Ces galanteries se répétant avec instance, la
colère du mari devint telle que dans les derniers jours
du mois d'avril dernier, surprenant les deux turcs i l
fit feu sur eux de son revolver tuant l'un, et blessant
grièvement l'autre.
L'incident propagé dans la ville excita la foule des
musulmans qui manifesta diversement la nature de
ses intentions ; un groupe d'entre eux se rendit au–
près du gouverneur demandant instamment l'arres–
tation immédiate et la punition du coupable en
fuite.
—
Où a-t-on vu un arménien tuer des turcs sur un
territoire ottoman ? s'écriait la populace.
Le gouverneur promit l'arrestation, mais les jour–
nées passaient sans amener de résultat, et pour
cause, puisque le mari et sa femme s'étaient enfuis
d'Adana.
—
Non, l'assassin est dans la ville, criait-on parmi
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Fonds A.R.A.M