L E S TURCS ONT PASSÉ L A . .
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Nos guerriers préfèrent donc rentrer chez eux et
mourir à côté des leurs.
Ils nous reviennent désespérés et mornes. Le télé–
graphe ne fonctionne plus pour les chrétiens, l'ennemi
est si serré et dense qu'un oiseau ne pourrait franchir
ses rangs. Malheureusement i l ne se trouvait dans
Hadjine ni gouverneur, ni juge pour réclamer protec–
tion. Que devenir ?
Nous étions donc condamnées à nous préparer à la
mort, à teindre de notre sang les sabres ennemis, à
recevoir dans nos flancs les balles de leurs fusils ou
à brûler vivantes dans les flammes.
L'ennemi avance, i l est déjà aux pieds des monta-
tagnes, i l a formé ses barricades et protégé par cet
abri i l fait pleuvoir du plomb sur notre ville. Le
sifflement des balles mêlé aux cris sauvages des
assaillants remplissentles airs ; la fumée qui s'échappe
des armes à feu empêche le soleil de venir jusqu'à
nous. Dieu ! quelles journées terribles nous avons
passées alors! Quelle plume pourrait décrire les
pleurs, les gémissements et le tohu-bohu général ?
Nos hommes rentrés en ville, ont eu l'ingénieuse
idée de perforer les murs qui séparent les maisons,
ils ont placé des veilleurs pour empêcher l'ennemi
d'envahir la ville. Ces gaillards s'encourageaient
mutuellement. Les balles pleuvent drû, on est trop
exposé dans les maisons où le danger est grand.
Chacun quitte son chez soi se sauvant au milieu des
balles vers les églises. Quel spectacle navrant, de
voir des mères leur bébé au bras, et traînant de leur
main libre d'autres enfants en bas-âge ; ils pleurent
tous effrayés en cherchant vainement un refuge. La
nuit est tombée, une clarté lugubre éclaire Hadjine,
Fonds A.R.A.M