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L E S TURCS ONT PASSÉ L A . .
niens. M. H. Chadriguian qui se trouvait au palais
même fut assassiné à son tour ; on va à l'assaut des
hôtels, passant au fil de l'épée des centaines de voya–
geurs tous originaires de Hadjine.
Le pillage commence à 8 heures. Sur les boutiques
appartenant à des Turcs, on avait placé au préalable
un écriteau «
Magasin Islam
»
qui y est encore
aujourd'hui. Les magasins arméniens sont ouverts et
dévalisés. De la croisée de ma chambre je distin–
guais des milliers de Kurdes et des fellahs arabes
courant dans les rues chargés de butin.
Le massacre est à son plus haut degré d'intensité.
Des milliers et des milliers de coups de fusils déton–
nent à nos oreilles, s'approchant de nous de plus en
plus. De nombreux Arméniens à demi nus et blessés
nous demandent un refuge, les cadavres remplissent
les rues. Dieu! quel spectacle affreux!
Le soir arrive, mais le crépitement de la fusillade
n'en continue pas moins pour cela. Nous autres
Arméniens nous nous défendons du haut de nos
maisons avec de vieux fusils. Le lendemain, au
matin, une grande partie du quartier arménien était
littéralement massacrée, pillée.
L'attaque, ce jour-là, fut plus terrible que la veille,
on dit que de nombreux soldats ayant leurs officiers
en tête, ainsi que des agents de la police se sont mis
du côté des massacreurs : on a vu des fusils Martini
entre les mains des Kurdes ; qui est-ce qui peut les
leur avoir procurés?
Il n'y avait plus moyen de résister ; désespérés,
nous avons couru nous réfugier à l'abri du drapeau
français dans l'église des Jésuites ; nous étions dans
la cour, car l'église était débordée; on était telle-
Fonds A.R.A.M