Madame Saténik Garabédian, originaire
d'Erzeroum, exilée à Mossoul, raconte ses
souffrances.
Nos caravanes allaient d'Erzeroum à
Baïbourt en piétinant des cadavres. En route
nous rencontrions des femmes, des enfants
à l'agonie qui imploraient notre secours.
A Eghine au bord de l'Euphrate, une multi–
tude de femmes et d'enfants affolés, couverts
de poux, hagards, nous regardaient passer
sans nous voir. Beaucoup s'étaient jetés
à l'eau. D'autres s'étaient tapis dans les
cavernes et avaient perdu l'usage de la
parole. A chaque pas nous luttions contre
la mort.
A partir d'Arabkir la plaine était recou–
verte de cadavres. La couleur rouge vif
dominait. C'était la couleur des tabliers
que les villageoises d'Erzeroum ont coutume
de porter, I l y avait des cadavres d'hommes.
Ces malheureux s'étaient sans doute livrés
à une lutte suprême puisque la terre où
ils étaient tombés avait été fortement
Fonds A.R.A.M