raconter les souffrances que nous endurâmes
en route. Je me contenterai d'affirmer que
jusqu'à notre arrivée à Alep sur les deux
côtés de la route, les champs étaient litté–
ralement couverts de cadavres et de débris
humains.
A peine arrivés à Alep, on nous expédia
à Raka pour nous retourner encore à Alep
quelques jours après. Plusieurs personnes de
notre convoi, ne pouvant supporter les
fatigues du voyage et surtout la faim, suc–
combèrent en route. Ma pauvre mère et
mon pauvre père furent du nombre de ces
«
malheureux. Vous me croiriez avec peine
si je vous disais que nous nous nourrissions
d'herbe, de cadavres de bêtes, âne, cheval,
chien, n'importe ! mais, on attendait aussi
la mort de quelqu'un pour manger sa chair!
Nous avons subi les attaques des Tchétas
qui nous laissèrent dans un dénûment com–
plet. U n officier turc me prit à son service
et m'emmena à Constantinople. E n route on
me força d'abjurer ma religion, on me donna
le nom musulman Loutfié. L'officier, bour-
Fonds A.R.A.M