vâmes à Erzinghian, où une scène horrible
s'offrit à nos yeux : la terre était jonchée
de têtes coupées, de membres humains
épars, de chevelures de femme
E t pour compléter notre horreur, les
Turcs, âu soir, vinrent choisir les plus belles
d'entre nous et les emportèrent à la clarté
de la lumière blafarde de la lune qui éclairait
de sinistres spectacles.
Pendant des journées entières, nous con–
tinuâmes notre marche en longeant l'Eu-
phrate, dont les eaux lentement charriaient
des cadavres humains. D'autres, en décom–
position, offraient un spectacle horrible et
même parfois, suprême horreur, nous étions
obligés, pour pouvoir continuer notre marche,
de piétiner les restes sacrés de nos frères.
Parfois ces cadavres avaient une telle expres–
sion de terreur que nous fermions nos yeux !
Mais ce qui me semblait encore plus horrible,
c'était la rencontre de femmes errantes,
pâles, échevelées, les yeux hagards et telle–
ment décharnées que l'on eut dit des reve–
nants.
Fonds A.R.A.M