Par l'entente officielle ou tacite entre le gouvernement
et les Kurdes, l'extermination des Arméniens s'accom–
plit peu à peu ; l a misère et la famine y contribuent,
ainsi que les conversions forcées à l'islam et la disper–
sion sys t éma t i que des Arméniens parmi des populations
d'autres races. Partout les maisons arméniennes se
vident; des villages entiers sont abandonné s et les
habitants s'en vont au liasard des routes, mendiant ou
cherchant en vain des pays meilleurs. A Achouchen,
pour quatre-vingt-dix maisons, quelques familles à
peine peuvent se suffire à elles-mêmes ; à Karagounis,
p r è s de Van, sur deux cents maisons, i l en reste cent et la
plupart sont vides. Dans un diocèse voisin
Yarachnort,
délégué patriarcal pour l'administration civile et reli–
gieuse, écrivait à la date du
i3
mai
1899:
J'ai visité, j ' a i vu de mes propres yeux et j ' a i pleuré sur
la misère de notre pauvre peuple sans protection... Et
jusqu'à présent, je me repens, et je me dis toujours : n'au–
rait-il pas mieux valu ne pas visiter ma paroisse et ne pas
voir la triste situation du peuple?... Le, nombre des habi–
tants du diocèse R... est peu considérable ; le peuple est
dispersé dans cent villages environ, campagnes dont cinq,
trois et deux maisons seulement sont arméniennes, les
autres kurdes ; i l y a à peine quinze à seize cents maisons
dans tout le diocèse ; et le nombre de personnes est de
huit à neuf mille dont trois cents sont à R... Tous ces
habitants sont pauvres et malheureux et livrés au bon
plaisir des beys kurdes, des aghas et des cheiks islams.
Sur trois cents maisons de notre ville, i l y en a à peine
trente qui ont leur pain à manger; les autres, c'est avec de
grandes difficultés, avec des humiliations, et presque en lut–
tant qu'elles se procurent du pain sec; beaucoup meurent
avant l'âge, ne pouvant même pas se procurer ce pain sec;
pendant longtemps nourris comme des bêtes, ils meurent
enfin affamés...
29
Fonds A.R.A.M