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° Police et prisons
Si les Arméniens, à qui d'ailleurs il est formellement
interdit d'avoir une arme, fût-ce un couteau de cuisine
trop long ou un bâton trop lourd, s'enhardissent jus–
qu'à protester contre les employés du fisc ou en général
contre l'un quelconque de leurs persécuteurs, la police
ne manque jamais de prétextes pour les rappeler à un
sentiment plus juste de leurs droits.
A Gomse, près de Moush, un certain Mahmoud Emin
viole la belle-fille d'un notable arménien et s'empare de
sa maison ; l'Arménien proteste: i l est condamné à
quinze ans de prison. Sous les prétextes les plus odieux
et les plus extravagants, les Arméniens sont jetés dans
les geôles du Sultan : à Diarbékir, les nommés Ohan-
nès der Sarkissentz, âgé de soixante-quinze ans et
Kasantji Ohannès Tachdjian sont arrêtés, parce que
leurs fils ont émigré en Amérique ; au même endroit,
Bédross Tufendjian est arrêté également pour être
revenu d'Amérique en Turquie. Près de Mersine, le do–
mestique arménien du consul anglais est arrêté
pour
avoir porté un chapeau
et relâché à grand peine, grâce
à l'intervention énergique de son maître.
Les mouchards pullulent : si « on ne leur graisse
pas là patte », selon l'expression qui revient continuel–
lement dans les lettres publiées quand i l s'agit de
fonctionnaires turcs, ils se font volontiers agents pro–
vocateurs : « ils mettent dans la poche de celui qu'ils
veulent rendre coupable une lettre dangereuse et
l'arrêtent ensuite. »
I l n'est pas surprenant que la terreur policière règne
dans les provinces quand elle est savamment organi-
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Fonds A.R.A.M