Pierre
Quillard
au moins deux moutons, un matelas d'une valeur de
5
o
piastres, du beurre, de la nourriture, en tout
i5o
piastres par famille. Mais en sus des tribus soi-
disant suzeraines, i l en vient d'autres, et quand tout a
été ainsi emporté, la quatrième ou cinquième en date
ne trouve plus rien et se venge de sa déconvenue en
pillant, brûlant, violant et massacrant.
Les procédés des percepteurs officiels ne sont pas
empreints de plus de mansuétude* Où un percepteur
suffirait, arrivent
5, 7,
i5
individus, généralement des
cavaliers, qui s'installent chez l'habitant et y commet–
tent les plus effroyables sévices. Un document anté–
rieur aux massacres représente comme i l suit la per–
ception des impôts dans la plaine de Moush :
Les hommes sont battus, emprisonnés, barbouillés d'ex–
créments ,* les femmes et jeunes filles insultées et déshono–
rées, arrachées nues de leur lit pendant la nuit ; les enfants
ne sont pas épargnés et ces outrages sont proprement les
amusements des zaptiés (gendarmes), pour pousser à la vente
de ce qui reste de menus biens dans le village au quart de
leur valeur : les vaches de
3
o
à
40
piastres
(6
à
8
francs), les
moutons de
10
à
i 5
piastres
(2
à
3
francs) ; des bouchers de
Moush de connivence avec le collecteur d'impôts l'accom–
pagnent dans ses tournées. Et après chaque nouvel acte de
cruauté, les zaptiés disent ironiquement aux victimes:
«
Maintenant allez vous plaindre aux consuls étrangers ! »
(
Livre Bleu,
Turkey, numéro
2,
annexe au numéro
25)
Cet état atroce n'a fait qu'empirer depuis
1896.
Bien
que le pays ait é t é ru i né par les massacres, les mêmes
impôts sont encore perçus, mais plusieurs fois par an,
et les corvées en nature fournissent encore prétexte à
de nouvelles vexations. Chaque individu mâle est
astreint à quatre jours de travail ou au paiement d'une
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Fonds A.R.A.M