GRIGOR
NAREKATSI
Je me suis exalté, moi, cendre sordide ;
j'ai brandi le poing, moi, coupe fragile.
Je me suis accru plus qu'un roi ;
puis comme l'homme qu'on expulse
je me suis reclus à nouveau en moi.
J'ai reflété l'incendie de la fureur
moi, boue intelligente ;
ma présomption m'enfla comme étant immortel,
moi, de mort encloué comme les bêtes ;
j'ai étendu les bras vers la passion de vivre,
n'ai pas tourné ma face mais mon dos ;
l'esprit ailé je me ruais vers de noirs mystères ;
j'ai dégradé mon âme pure en flattant mon corps.
J'ai affaibli la force de ma droite,
je l'ai vaincue en renforçant ma gauche ;
et je T'ai vu, penché sur moi, Toi-même,
(
mais là-dessus je dois me taire)
et ne me suis pas amendé ;
et dans le sanctuaire m'ont obsédé
les occupations de cette vie.
La bride de la raison n'a pas dressé
le coursier de mon esprit.
J'ai ajouté des mots nouveaux au vieux langage.
J'ai alourdi les insupportables anneaux.
Comme le vase de grès cuit
je fus irréparablement brisé ;
et mentirai-je, si j'ajoute
que dans la tente noire de Moloch je suis entré
afin d'hériter l'enfer ?
(
Luc-André Marcel.)
Fonds A.R.A.M