GHEVOND
ALICHAN
Avait donné son âme à ce Dieu dans le ciel ?...
La rivière Teghmout hâve et gonflée de sang
Serpente dans les prés qu'elle abreuve de pleurs...
Et toi brise venue, ou du roc de Makou
Ou des hauts du Massis l'ancestral et l'intact,
Tu es mon double frissonnant dans une errance
Qu'on dirait paresseuse, — et par monts et par vaux,
D'une forêt à l'autre et d'une feuille à l'autre
Un remuement —, quand sur la plaine tu ondoies ;
Ton souffle est-il ce soupir-là qui est le mien,
L'écho du cœur des Arméniens que tu répands ?...
Et toi le bel ami des tourmentés de l'âme,
Longue voix dans la nuit et l'enchanteur des roses,
L'âme à ton chant mêlée, rossignol des collines,
Chantons ces vivants-vrais, les héros d'Arménie.
Du couvent de Tadé ta voix m'est parvenue,
Et d'elle m'arrachant je parvins à la plaine,
Où Vartan dut payer sa hardiesse, — et te vis.
Rossignol, que disent-ils de toi nos aïeux?
Que cet oiseau tu n'es, rossignol d'Avaraïr,
Mais l'âme d'Eghiché la saveur de son verbe.
Vartan le connétable est sa rose sanguine...
L'hiver, ton vol te porte au désert où tu pleures
Mais les rosiers d'Artaz t'accueillent au printemps
Et ta gorge et ton chant sont la voix d'Eghiché,
Et l'oreille tendue, Vartan répondrait-il ?...
Si pareille à la voix du rossignol, ma voix
Vous parvient ô fils de Torgom pareillement,
Vos pères, fils, tant par vertu que par bravoure
Ont comblé ce terrain, nos livres et le ciel.
O fils ! s'il reste encor quelque sang dans vos cœurs,
Peut-être dans nos lacs, ou bien dans nos fontaines,
Et si Patrie, vous l'écrivez sa gloire vôtre,
Avec moi Nahapèt venez dans Avaraïr !
(
Gérard Hékimian.)
Fonds A.R.A.M