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POESIE
ARMENIENNE
Au malade son médecin donne un remède et non le mal ;
Un serviteur même brimé, de son maître ne peut se plaindre ;
Ton cœur tiens-le sincère et sûr, tout ce qu'on dit ne doit se
croire ;
Comme un qui jure par son Dieu, ne murmure pas en portier !
Tout homme ne saurait boire mon eau, — c'est d'une autre
fontaine,
Tout homme ne saurait saisir mes mots, — c'est d'un autre
langage.
Mon assise ne la crois pas d'argile : elle est de rocs, de pierres,
Comme une crue dans sa fureur ne propage pas la tourmente !
Que le vent l'ôte autant qu'il veut : la mer ne manque pas de
sable ;
Que je sois, que je ne sois pas : la cour ne manque pas de saz *
Si je manque, je manque à toi : pas un cheveu ne manque au
monde ;
La tombe de Sayat Nova, d'errants n'en fait pas le passage !
CHANT 29
Ce que j'ai de vie, bien-aimée, t'est dû, et quoi t'cffrir d'autre ?
Te faut-il mes pleurs, faut-il mes soupirs, bien-aimée, je souffre.
Tu m'as dit « mon cerf » et te contemplant, bien-aimée, j'écoute.
Entre au parc, parée, que mon saz te loue ! Bien-aimée, j'étouffe.
Tes cheveux en fleur, tes lèvres fruitées : un temps pour
l'extase ;
Viens, allons au pré où joindre l'étang : un temps pour le songe ;
Rossignol et rose, et rose au vignoble : un temps pour les jeux...
Entre au parc, parée, que mon saz te loue ! Bien-aimée j'étouffe.
Fonds A.R.A.M