NAHAPET
KOUTCHAK
Je suis cette eau dormante et noire
M'attendent les pays lointains.
Le jour dès que je vois quelqu'un,
Je suis flèche en sa trajectoire,
Puis comme à l'arc la corde geint,
Je tombe à terre, dérisoire.
En ce monde n'ai rencontré
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Jusqu'à ce jour une âme chère.
Las ! j'ai longuement médité :
Seul mon bras m'est l'ami sincère.
Tant qu'aura, ce bras, santé fière,
J'aurai l'amour et l'amitié,
Quand de force il n'aura plus guère,
Amis, femmes m'iront quitter.
*
Quand l'amour au monde naquit
Dedans mon cœur il se logea ;
Puis un matin mon cœur quitta,
S'en fut de pays en pays.
Il revint et ma tête emplit
Et dans mon cerveau habita,
Que mon œil pleure avait envie
Mais c'est du sang qui en coula.
*
Qu'en la mer ma voix soit l'écume,
Que d'encre soient toutes les eaux,
Que les roseaux, tous les roseaux
Entre mes doigts deviennent plumes !
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Fonds A.R.A.M