MKERTITCH
NAGHACHE
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L'émigré était misérable et s'il tombait malade,
Il demeurait prostré dans la boue des rues étrangères.
Bien qu'il eût beaucoup d'êtres chers, là il n'avait personne.
Visage à terre, impuissant, abandonné, il pleurait.
L'émigré pleurait, se lamentait sur son sort futur :
«
Chers parents, vous ne savez pas dans quel état je suis
Je suis un émigré, un étranger, un vagabond,
Je pleure, car ici je n'ai personne, amis ou proches. »
Et l'émigré tombait et se débattait, pitoyable.
Lorsqu'était arrivée l'heure cruelle de sa mort,
L'émigré n'avait pas de lit, rien pour poser sa tête :
Une pierre était son chevet, le sable était son lit.
Ses jambes se crispaient dans les affres de l'agonie
Et ses bras se tordaient, son âme s'éloignait de lui.
Malheureux, pitoyable, il regardait de droite à gauche,
Mais nul n'était là pour donner à boire à l'émigré.
L'émigré sentant qu'il agonisait voulait un prêtre
Mais personne ne répondait à ses supplications.
A son chevet il n'y avait ni proches ni amis.
Dans sa douleur il soupirait pleurant amèrement.
Son Seigneur était Dieu, et Dieu entendait sa prière.
Il avait éveillé la pitié dans le coeur du prêtre.
Celui-ci, pour l'amour de Dieu, venait l'administrer.
Son âme recevait ainsi les derniers sacrements.
Le jour de sa mort arrivé, pleurant amèrement,
Il rendait l'âme en sanglotant, et son corps restait là,
Seul dans la rue. Personne ne venait voir l'émigré
Et les pleureuses ne s'assemblaient pas autour de lui.
Fonds A.R.A.M