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POESIE
ARMENIENNE
Le cœur de l'émigré est endeuillé, inconsolable.
A chaque soupir son cœur se tord dans sa poitrine
Et quand il pense à tous les êtres chers qu'il a laissés,
C'est du sang qui s'écoule de ses yeux sur son visage.
L'émigré n'a plus son esprit, sa raison vagabonde.
Même s'il égalait par la sagesse Salomon,
Si chacun de ses mots était de pierre précieuse,
On lui dirait : « Tu n'es qu'un imbécile, un ignorant ! »
Les jours de l'émigré ne sont que chagrins et tourments
Chaque nuit le sommeil le fuit sans espoir de retour.
Son esprit torturé ne peut jamais trouver le calme :
«
Qu'adviendra-t-il de moi, pauvre captif, demain, à l'aube ? »
C'est un malheur pour l'émigré de connaître la faim.
Courbant la tête, il parcourt les rues, demandant l'aumône.
Quand on lui ferme la porte au nez, il s'assied et pleure
Même une goutte d'eau tout le monde la lui refuse.
La misère de l'émigré était des plus pénibles.
Humilié par tous il n'avait aucune ressource.
Il était étranger, errant en pays étranger
S'il voulait de l'argent, nul ne voulait lui en prêter.
L'émigré n'osait pas entrer dans la maison des autres,
Il avait peur du maître de maison comme d'un chien.
Quand on l'apercevait on l'injuriait, on le chassait
Et l'émigré s'en retournait, pleurant et affligé.
Sur bien des tables on pouvait voir rassemblés mille mets.
Si l'émigré venait, s'il pénétrait timidement,
Il n'y avait pour lui que mots d'injure, cris d'insulte :
C'était à contre-cœur qu'on lui donnait un bout de pain.
Fonds A.R.A.M