N$n, je ne me rappelle pas^Syoïr éprouvé, au cours de ce
voyage, pareil paroxysme de frayeur/Ce «'était, comme/m
le pense bien, ni les flots de la rivière, ni la mort qui m'è&
frayaient, mais le danger de tomber eijtre leurs mains. Je ne
fus rassurée qu'après avoir VJI qu'ils n'étaient pas disposés à
aller plus loin. Livrée à mes réflexions, je lève la tâte. E n
haut, le ciel était d'un bleu éclatant. En face, tifcne colline
ouriait de toutes ses fleurs. En quelle situation me
trouvais-je? Dieu! Etait-ce un cauchemar? Et a i t
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^ la
réalité ?... Ces Kurdes qui étaient là aux aguets.^ E t twt ce
qui venait de se passer dans le bac !... J'en suis encore à
me demander comment j'ai pu sortir de ce mauvais pas.
Enfin, les Kurdes s'éloignent et je sors de l'eau. J'arrive au
camp mouillée, épuisée de fatigue et d'émotion. L'aspect des
choses y avait bien changé. Tout le monde était trempé jus–
qu'aux os et dévalisé comme on ne pouvait l'être guère
davantage; nous n'avions plus rien. Les paysans avaient
perdu leurs ânes, qui leur avaient été confisqués au passage
de la rivière. Le vent du soir nous pénétrait d'un souffle
glacial. Toutes ces femmes blotties les unes contre les autres,
frissonnaient d'épouvante et de froid. Elles pleuraient èrr
silence. Une voisine deSamsoun, que j'allais voir, se lamen–
tait dans un coin : « Ils m'ont pris mes deux filles, gémissait-
elle. Ils m'ont jeté à l'eau, tandis qu'elles poussaient des cris
(
alarme. J'ai failli me noyer. Pourquoi m'as-tu épargnée,
.
Seigneur ? C'est donc pour les Turcs que je les avais si bien
jg^gvées ». Elle se frappait les genoux de désespoir. J'entrepris–
s e la consoler, mais est-il au pouvoir des mots pour consoler
de pareilles douleurs ?
Nous pensions que, n'ayant plus rien à prendre, nos
Fonds A.R.A.M