ombien terrible la situation des mères qui por t a i ent
leurs enfants dans les bras ! La plupart les transportaient sur
le
do%,
logés dans une besace qu'elles téta i ent confectionnée.
Celles auxquelles i l restait un peu d'argent avaient loué une
monture. On conçoit qu'aucune d'elles n'ait pu , dans ces
conditions, arriver au terme du voyage et qu'elles aient suc–
combé à la fatigue, à la f a im, à la soif.
Seuls les enfants survivaient quelque temps. Que d'enfants
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avons -nous pas vus vivant dans l'abandon, sous les arbres.
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L'un d'eux je ne peux l'oublier. I l devait bien avoir cinq ans.
A côté, un cadavre encore frais : c'était la mère. A notre
vue, i l $e dressa sur ses pieds. Prenez-moi, s'écria-t-il en
nous tendant les bras ; ne me laissez^ pas i c i . « Où est ta
maman? » l u i demandons-nous. « Là, f i t - i l , en nous mon–
trant la morte. Elle ne se réveille pas, ne me laissez pas i c i .
I l y fait trop noi r la nui t ».
Je fus prise d'une envie folle de l'emporter dans mes
bras ; mais c'était là une entreprise au-dessus de mes forces.
Au surplus pour ne pas trop me charger, je n'avais pris
qu'une faible provision d'eau. Nous engageâmes une paysanne
à l'emporter, moyennant une somme d'argent. Je doutô*
•
qu'elle ait porté bien l o i n son fardeau car la montée devint
de plus en plus pénible. Le fait est qu'on ne IL? plus revu. On
ne connaîtra jamais le nombre d'enfants abandonnés dans
bois. On les voyait errer sous les arbres, dans le silence
gs solitudes. Quelques-uns paraissaient indifférents à leur
sort. I ls nous regardaient passer sans dire mot , comme s'ils
jpvaient toujours vécu ainsi.
On voyait la mère renoncer à aller plus l o i n pour s'atta–
cher à sa fille malade, la fille ayant refusé de quitter sa mère
Fonds A.R.A.M