cramponnée à une corde, je me balançais dans le vide, la
femme qui guidait le mulet , attirée par mes cris^ se porta à
mon secours. D'autres furent moins heureuses. Plus d'une
voyageuse se brisa sur les rochers avec sa monture.
En chemin, nous rencontrâmes de nombreux blessés qui
avaient été abandonnés par les caravanes qui nous avaient,
précédées. Des bandes de Kurdes s'étaient jetés sur elles pour
les dévaliser. Règle générale, tout malade, ainsi que tout
vieillard qui s*attardaient dans les sentiers étaient achevés par
les montagnards après avoir été torturés. Le lendemain nous
atteignions le sommet d'une première montagne. Des Kurdes
nous apportèrent du lait caillé, du pain et d'autres aliments
aussi simples. Tout cela parut délicieux à nos palais dessé–
chés, surtout le lait caillé. Combien agréable aussi la sensa–
tion vivifiante de la brise des montagnes sur nos fronts en
sueur. Oubl iant un instant notre cruelle s i t ua t i on nous
nous arrêtâmes à admirer les sites qu i se déroulaient sous
nos yeux.
Le lendemain, je jugeai à propos de me débarrasser de ma
monture et cela par mesure d'économie. Le prix d'une demi-
livre tijrque, auquel on l'avait arbitrairement taxée, était trop
disproportionné avec mes ressources pour qu ' i l me fût pos–
sible de me payer ce luxe plus longtemps. La peur de mour i r
de faim dominai t tous les autres besoins.
Vers le soir nous atteignons le village de Zeïné. AvanJ
cette étape nous avions traversé un hameau où l ' on avait
défilé devant un groupe de Kurdes armés et de gendarme
turcs, à la tête desquels se tenait debout Zeïné bey. C'est icL
que se place l ' un des épisodes les plus tragiques de l'histoire
de notre déportation. Que faisaient-ils là? Tranquillement^
Fonds A.R.A.M