Profondément troublée, j'eus hâte de m'isoler de tout
cela. On n'avait n i le loi s i r de s'arrêter sur un événement,
tant ils étaient multiples et divers dans leur horreur, n i les
moyens de les éviter. Nous avions quelques malades parmi
nous et l 'un d'eux était à l'agonie. Une religieuse se tenait à
son chevet et lisait une page de
YEvangue*
L'assistance
écoutait la lecturepavée un profond recueillement. Sitôt qu ' i l
eut expiré, des femmes s'empressèrent de creuser une fosse
où i l fut inhumé.
Des villageéii turcs du voisinage venaient nous proposer
de leur vendre ce que nous avions. J'aperçois, parmi eux,
une femme au type arménien. « Es-tu Arménienne? » l u i
demandai-je. — « Ou i , me répondit-elle ». Son mar i , un mon–
tagnard turc , int ervint aussitôt pour me défendre de causer
avec elle.
Après trois jours passés à Guetch nous nous remettons en
route.
Nous espérïcms atteindre Malatia dans la soirée et notre
impatience d'arrivef*etai t grande. On nous avait flatté de
l'espoÎT que là se terminerait notre horr ible voyage. La
tournée s 'annonçai t belle et la campagne s'embellissait à
mesure que nous en approchions. Les jardins qui entourent
la ville étalaient un luxe de végétation qu i nous réjouissait
les yeux, La certitude où nous étions que nous y retrouve–
rions le repos tant désiré nous avait presque rendu la joie.
Nous étions tellement accablés de fatigue et d'émotions !
Nous avions tant souffert de la fa im et de la soif depuis que
nous avions quitté Samsoun ! Cependant nous constatons,
avec une inquiétude croi ssant , que les charrettes s'écartent du
chemin qui mène à la vi l l e . En prendraient-elles un autre?
Fonds A.R.A.M