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Le christianisme fut fondé également sur le principe
de l'égalité absolue : mais il y dérogea bientôt,
en établissant une Eglise, un pouvoir temporel et un
pouvoir spirituel distincts : « Rendez à César ce qui
est à César. » L'islamisme ne reconnaît pas de César;
il n'admet que des fidèles, des Musulmans. Du temps
du premier khalife, Ebou-Bekir, un roi des Arnautes,
nouvellement converti à l'islam, et qui faisait ses dé–
votions à la Keabè, fut heurté par un pauvre pèlerin
pendant qu'ils s'inclinaient ensemble pour baiser la
pierre sainte. Il se retourna avec colère et lui donna
un soufflet. Le pèlerin ayant porté plainte devant le
khalife, le khalife lui commanda de rendre au roi le
soufflet qu'il en avait reçu. Et comme celui-ci allé–
guait, pour se soustraire à l'humiliation d'une telle
sentence, sa qualité de roi et l'état de mendiant de
son adversaire : « Il n'y a dans le monde, répondit
le khalife, ni mendiant, ni roi ; il y a des Musulmans. »
C'est qu'en effet, le pèlerinage de la Mecque, à
l'exemple des solennités de l'ancienne Grèce, n'avait
pas seulement pour but de relier entre eux les mem–
bres épars de la grande famille musulmane ; il était
surtout institué pour rappeler aux fidèles, confondus
dans la prière, l'égalité qui doit régner entre les disci–
ples d'une même foi. Une pensée semblable présida à
l'établissement du mois de jeûne, ou Ramazan. Ce
temps d'abstinence volontaire, observé avec un scru–
pule religieux par tous les Musulmans, et qui établit
une parité momentanée entre le riche et le pauvre, fut
établi uniquement en vue du grand principe sur lequel
Mohammed avait assis sa morale. Veut-on voir un bel
exemple de cette égalité morale q u i , chez nous, ne
commence pas même au seuil de la maison de Dieu,
pas même aux portes du tombeau? Qu'on entre dans
une mosquée : là point de vains ornements inutiles à
la majesté divine, et qui distraient les fidèles de la
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Fonds A.R.A.M