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aboutit au déisme, c'est-à-dire à la négation même du
dogme, il arrive en morale et en politique aux doc–
trines les plus libérales et les plus progressives. Tous
les principes essentiels des démocraties modernes y
sont, non pas seulement contenus en ge rme , mais
exprimés de la manière la plus formelle. Les Turcs
ont peur aujourd'hui de la république, et même ils ont
cessé de s'en faire une idée exacte, à mesure que le
sens des institutions primitives s'est altéré parmi eux;
mais c'est le mot qui les effraie, parce qu'ils le croient
synonyme de désordre, d'anarchie, non l'idée elle-
même, qui est la base de la société musulmane. Un
Turc se faisait expliquer le sens de ces mots :
Liberté,
Egalité, Fraternité,
gravés sur une de nos pièce
monnaie.—«
Allah herim,
Dieiu est grand ! s'écria-t-il.
Ce que les infidèles écrivent sur une monnaie d'or
et d'argent, Dieu l'a écrit dans le cœur de tout vrai
musulman. »
En effet, à part les libertés politiques qui n'existent
point en Turquie, du moins dans la forme usitée
parmi nous, il n'y a peut-être pas un pays au monde
où le principe de l'égalité absolue soit plus profondé–
ment empreint dans les institutions et surtout dans les
mœurs, et cela depuis les premiers temps de l'isla–
misme. Lors de la venue de Mohammed, un grand
nombre de préjugés aristocratiques, des distinctions
de tribus, de races, de familles, régnaient ancienne–
ment parmi les Arabes. Lui-même appartenait, comme
on sait, à une caste privilégiée, celle des Koreïchites,
gardienne, depuis des siècles, delà
Eeabè(l),
ou temple
(1)
Bien avant la naissance de Mohammed, la
Keabè
ou
Çaaba
jouissait parmi les Arabes idolâtres d'une réputation de sainleté
toute particulière. On y venait en pèlerinage des pays les plus
éloignés ; il n'existait pas de famille plus tenue en honneur que
Fonds A.R.A.M