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car il n'arrive jamais que l'Etat subsiste lorsque la
religion se perd.» Solidarité funeste, par suite de
laquelle toute tentative de réforme dans l'ordre poli–
tique échoue nécessairement ou aboutit en sens con–
traire.
Ces objections méritent qu'on les examine sérieu–
sement. Est-ce là, en effet, le sens de la doctrine du
Coran ? Est-il vrai qu'il repousse tout progrès, toute
amélioration dans l'état des sociétés? Et la polygamie,
l'intolérance , la prédestination tant reprochées aux
Turcs, en admettant qu'elles régnent chez eux aussi
universellement qu'on le suppose, tiennent-elles au
fond même de la croyance religieuse, de telle sorte que
leur maintien soit nécessaire à sa conservation, ou
sont-ce de simples préjugés, tout à fait en dehors du
dogme, sinon en opposition directe avec lui, et qui
disparaîtront en même temps que l'ignorance qui les
a fait naître.
Pour résoudre cette question, d'où dépend l'avenir
de la réforme, il est nécessaire de remonter au principe
môme du Coran, et d'examiner la constitution de la
société religieuse en Turquie.
Le Coran, envisagé comme doctrine, abstraction
faite de l'idée politique qui domine, constitue une phi–
losophie plutôt qu'une religion, si par religion l'on en–
tend un ensemble de dogmes, de mystères qui s'im–
posent à la raison humaine et l'asservissent en la
dépassant. En effet les cinquante-huit préceptes con–
tenus dans l'abrégé d'Omer Ncssefi, lequel tient lieu
de catéchisme dans les écoles publiques, et qui sont
comme l'âme et l'essence de la doctrine de l'islam,
peuvent se ramener à un dogme unique qui renferme
tous les autres, le dogme de l'unité de Dieu, formulé
dans ce verset du Coran :
Mènkalèj la illahil Allah^ dakhalel-djennèt.
Fonds A.R.A.M