LES FAITS
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traient les requêtes étaient remplis de gens qui deman–
daient à passer à l'Islam. Beaucoup le faisaient à cause
de leurs femmes et de leurs enfants, en croyant que
c'était une question de temps, et que le retour leur se–
rait plus tard possible.
La déportation dura deux semaines environ, avec des
interruptions. Sur les 12.000 Arméniens de
n'y resta qu'environ 200. Même ceux qui s'offrirent
pour embrasser l'Islam furent ensuite déportés. Jus–
qu'au moment où j'écris ces lignes, aucune nouvelle
sûre n'est parvenue d'aucun des transports. Un bouvier
grec racontait que, dans un petit village à quelques
heures de Mersivan, les quelques hommes furent sépa–
rés des femmes, battus, enchaînés et envoyés plus
loin en un convoi à part. Un bouvier turc raconte qu'il
a vu en route la caravane. Ces gens étaient tellement
couverts de poussière et de saleté qu'on pouvait à
peine reconnaître les traits de leur visage.
Même si la vie des expulsés devait être protégée, on
peut se demander combien parmi eux seraient capables
de supporter les fatigues d'un tel voyage, franchissant
des collines brûlantes, à travers la poussière, sans abri
contre le soleil, avec une nourriture insuffisante et peu
d'eau, dans la crainte continuelle de la mort ou d'un
sort encore pire,
La plupart des Arméniens du district de Mersivan
étaient complètement désespérés ; certains disaient que
c'était pire qu'un massacre ; personne ne savait ce qui
arriverait, mais tous sentaient que c'était la fin. Même
les prêtres et les chefs ne pouvaient trouver aucun mot
de consolation et d'espoir. Beaucoup doutaient de l'exis–
tence de Dieu, Sous la tension aiguë des nerfs, beaucoup
perdirent la raison, quelques-uns pour toujours, I I y
Fonds A.R.A.M