ânes, tous, tous, pour être précipités, liés ensemble,
du haut des rochers, dans les flots de l'Euphrate, dans
cette maudite vallée de Kémagh-Boghasi. Un cocher
grec nous a raconté comment l'on procédait, Le cœur
se glace à l'entendre. Notre gendarme nous raconta
qu'il avait dernièrement emmené à Kémagh un con–
voi de 3000 femmes et enfants de Mama-Khatoun (de
la région de Terdjan, entre Erzeroum et Erzingian) :
«
Hep ! gildi, bildi ! » « Tous loin, tous morts ! » disait-
i l . Nous lui dîmes : « Si vous voulez les tuer, pourquoi
ne pas le faire dans leurs villages ? pourquoi les réduire
d'abord à cette misère sans nom ?» — « Et que ferions-
nous des cadavres ? répondit-il, ils sentiraient mau–
vais ! »
Nous passâmes la nuit à Enderes dans une maison
arménienne. Les hommes avaient déjà été emmenés,
tandis que les femmes habitaient encore l'étage infé–
rieur. On nous dit qu'elles devaient être emmenées le
jour suivant. Elles-mêmes l'ignoraient encore et purent
ainsi se réjouir quand nous donnâmes quelques dou–
ceurs aux enfants. Sur la muraille de notre chambre,
on avait écrit en turc :
Notre demeure est la cime des montagnes,
Nous n'avons plus besoin de chambre,
Nous avons vidé la coupe amère de la Mort;
Nous n'avons plus besoin d'un Juge!
I l faisait un beau clair de lune. Peu après m'être mise
au lit, j'entendis des détonations, succédant à des com–
mandements. Je compris ce que cela signifiait ; et je
m'endormis avec une impression de soulagement, en
pensant qu'au moins ces malheureux avaient eu une
mort rapide, et étaient maintenant devant Dieu. Le
matin, la population civile fut invitée à faire la chasse
Fonds A.R.A.M