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RAPPORT DU D
r
LEPSIUS
Van et à Chabin-Karahissar. A l'exception de ces cas, le
désarmement s'accomplit dans les villes sans aucun in–
cident. A Constantinople, le désarmement eut lieu,
d'une façon régulière, du 29 avril au 9 mai. Les autorités
donnèrent même des reçus. Mais, dans l'intérieur, le dé–
sarmement donna lieu, comme le prouvent d'innom–
brables informations, à des représailles brutales, L'ordre
de livrer les armes ne fut pas notifié par les autorités ;
on n'attendit pas non plus le résultat de la livraison vo–
lontaire ; mais des gendarmes vinrent dans les villages
et exigèrent un nombre arbitraire de fusils, 200, 300,
ou autant qu'il leur semblait bon. Si on ne les leur
fournissait pas sur place, le maire et les anciens du
village étaient arrêtés et maltraités sous le prétexte
d'avoir caché des armes. On employa souvent la tor–
ture. Un moyen particulièrement cher aux gendarmes
et aux gardiens des prisons, c'est la bastonnade, qui,
employée d'une façon inhumaine, amène souvent la mort
de la victime. On arracha aussi les cheveux et les ongles,
on appliqua des fers incandescents, et on mit en oeuvre
contre les femmes et les enfants toute sorte d'ignomi–
nies. Les habitants étaient souvent obligés d'acheter,
à des prix élevés, des armes à leurs voisins turcs, aux
Kurdes et aux Tcherkesses, en leur cédant même leurs
moutons et leurs vaches, pour pouvoir les livrer et sa–
tisfaire à la réquisition des gendarmes.
En même temps que le désarmement de la popula–
tion arménienne, eut lieu l'armement de la population
turque. Les clubs jeunes-turcs, qui ont la haute main
dans toutes les villes de l'intérieur et ont plus d'influence
que les plus hauts fonctionnaires du gouvernement,
avaient formé des bandes, appelées tschettehs, en par–
tie avec des criminels libérés des prisons. De fameux
Fonds A.R.A.M