LES FAITS
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deux ou trois ans dans les bras. Un peu plus loin, une
vieille trébucha et tomba dans la boue ; le gendarme la
frappa deuxou trois fois de son gourdin. Elle ne bougeait
pas, 11 lui donna alors deux ou trois coups de pied, elle
restait toujours immobile. Le Turc lui donna enfin un
coup de pied plus fort et elle roula dans le fossé. J'es–
père qu'elle était déjà morte. Ces gens qui sont arrivés
ici, en ville, n'ont rien mangé depuis deux jours, Les
Turcs ne leur avaient permis de rien emporter avec
eux, si ce n'est une couverture, une mule ou une chèvre,
Mais ils ont vendu ici tout ce qu'ils avaient pour
presque rien, une chèvre pour six piastres, une mule
pour 1/2 livre, afin de se procurer du pain, Ceux qu i
avaient de l'argent et pouvaient acheter du pain, le
partageaient avec les pauvres, jusqu'à épuiser leur pé –
cule. La plus grande partie de ce qu'ils-avaient leur
avait été déjà dérobé en route, Une jeune femme, mère
depuis huit jours, a eu son âne volé la première nuit
du voyage. On obligea les déportés à laisser tous leurs
biens à Zeïtoun pour que les mouhadjirs, des Bosniaques
mahométans que l'on veut établir à leur place, puissent
so les approprier. I l doit y avoir actuellement de 20 à
25,000
Turcs à Zeïtoun. Le nom de la ville fut changé
en Sultaniéh. La ville et les villages qui l'entourent
ont été complètement vidés. Sur 25.000 déportés envi–
ron, 15 à 16.000 ont été dirigés sur Alep ; mais ils
doivent aller plus loin : au désert de l'Arabie. Veut-on
les y laisser mourir de faim
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Ceux qui ont passé par
ici vont dans le vilayet de Konia. Là aussi se trouvent
des déserts. Deux ou trois semaines ils sont restés au
point terminus du chemin de fer de l'Anatolie, à Bo-
zanti, parce que la voie était occupée par des trans–
ports de troupes. Lorsque les exilés arrivèrent à Ko-
Fonds A.R.A.M