PRÉFACE
V I I
consentant des concessions aux Turcs, i l s les retiendraient de toute p r o –
pagande panislamiste p a rmi leurs sujets mu s u l ma n s : le caractère b i en
connu des Turcs permettait, au c on t r a i r e , de prévoir que de pareilles
concessions seraient attribuées par eux à l a faiblesse des Alliés et ne
feraient que les i n c i t e r à augmenter celte propagande subversive. C'est
à cette crainte du Califat turc, j o i n t e à l a lassitude générale d'après
guerre, qu'est due l a capitulation des Puissances devant l a T u r q u i e à
Lausanne, capitulation q u i entraîna, avec le sacrificede beaucoup des
intérêts alliés les plus essentiels, l'abandon des revendications armé–
niennes.
Nous sommes ainsi arrivés à la conclusion que l'Arménie a été s a c r i –
fiée, n o n pas à des intérêts des Puissances alliées t o u c h a n t e l eu r con«
servation,
intérêts q u i auraient p u être reconnus comme p r i ma n t ceux
de l'Arménie, même solennellement garantis, devant le j u g eme n t i mp a r –
tial d'une instance internationale ou devant le T r i b u n a l d e l'Histoire,
mais à défausses conceptions et à de graves erreurs politiques concer–
nant l a valeur d u facteur turc. Cette conclusion n'autorisera peut-être pas
ceux q u i l'accepteront à rendre u n hommage trop éclatant à la clair–
voyance et à la fermeté de la politique turque de certains hommes
d* État des pays alliés. Mais elle permettra, pa r contre, d'éclairer l'avenir
de l'Arménie d'une l ueu r d'espoir. Car, depuis la signature du traité de
Lausanne, l a Tu r qu i e kémalisle a infligé u n démenti retentissant à ceux
q u i voyaient en elle le porte-glaive du Calife des Croyants. Bien l o i n de
v ou l o i r grouper au t ou r d u Califat détenu par la maison d'Osman tous
les peuples mu s u l ma n s , elle a, au contraire, c r u devoir le s up p r i me r
sur son propre t e r r i t o i r e . Cette suppression a dû na t u r e l l emen t faire
disparaître chez les Puissances l a préoccupation de ne pas heurter les
sentiments d u monde mu s u l ma n par leur attitude envers l a Tu r q u i e ,
préoccupation q u i , après l e u r victoire, les a souvent empêchées de
donner à l e u r p o l i t i qu e dans l e Proche-Orient l a direction la p l u s
conforme à leur prestige et à leurs intérêts. Au j o u r d ' h u i que l a décision
historique de la Grande Assemblée d'Angora les a débarrassées s i r a d i –
calement de ce souci, en les mettant en présence d'une Tu r qu i e pu r eme n t
laïque, on est en d r o i t d'espérer que les Alliés, q u i on t libéré de n o m –
breux peuples de dominations i n f i n ime n t moins dures que le j o u g
ottoman, finiront par étendre à l'Arménie le bénéfice des règles de la
justice et de l ' honneu r , sur lesquelles le Pacte a basé les relations inter*
nationales de l ' a v en i r ; d'autre part, on peut prévoir que, dès que l a
Fonds A.R.A.M