80
LA SOCIÉTÉ DES NAT I ONS ' ET LES PUISSANCES
B . —
Garanties.
L'État ottoman, nous l'avons rappelé plus haut, [a çté maintes fois
obligé, au cours de l'Histoire, d'insérer dans ses traites avec les Puis–
sances des stipulations solennelles l i m i t a n t sa souveraineté en faveur
des populations non-turques. Mais la Tu r qu i e a toujours érigé la viola–
tion de ces stipulations en u n système de gouvernement. I l est, dans ces
conditions, particulièrement intéressant d'étudier la manière dont le
traité de Sèvres s'est efforcé d'assurer le respect de la c ons t i t u t i on des
droits de l ' homme , des ressortissants turcs et des minorités q u ' i l a éta–
b l i e .
T ou t d'abord, figure en tête de l a partie I V du traité, intitulée « Pro–
tection des minorités », u n article 140 a i ns i libellé : « La Tu r qu i e s'en–
gage à ce que les stipulations contenues dans les articles 141, 145 et
147 (1)
soient reconnues comme lois fondamentales, à ce qu'aucune
l o i n i règlement, civils ou mi l i t a i r e s , aucun iradé impérial n i aucune
action officielle ne soient en contradiction o u en opposition avec ces
stipulations, et à ce qu'aucune l o i , aucun règlement, aucun iradé i m –
périal ou aucune action officielle ne prévalent contre elles ».
Un article identique se retrouve au début de toutes les sections
consacrées à la protection des minorités dans les traités conclus par
les Puissances principales. Dans tous les États liés par ces traités, les
dispositions protectrices des d r o i t s de l'homme, d u citoyen et des m i –
norités ont donc revêtu le caractère de lois nationales
fondamentales,
placées sous une garantie i n t e r na t i ona l e . Car non seulement ces « Cons–
titutions des droits de l ' homme » ne sont pas «
souples
»,
en ce sens
qu'elles ne peuvent être abolies ou modifiées par la voie législative
ordinaire,
comme c'est l e cas en Angleterre ; elles ne sauraient même
être abrogées ou remaniées par les voies législatives
spéciales,
prescrites
pour la révision des Constitutions dites
rigides,
dans des pays comme
la France ou les États-Unis. Les lois fondamentales, créées par les
traités sur les minorités, sont
plus que rigides,
elles sont
I N T A N G I B L E S
pour les législations intérieures. Leur abolition ou leur modification ne
pourrait s'accomplir que par la voie internationale. Cette intangibilité
gage, dans une période d'une année après la mise en vigueur du présent traité, à
soumettre à l'approbation du Conseil de la Société des Nations un projet d'organisation
pour la ville d'Andrinople. Ce projet comportera un Conseil municipal, dans lequel les
différents éléments ethniques résidant actuellement dans ladite ville seront représentés.
Les Musulmans auront droit de participer aux fonctions executives ».
(1)
Les articles visés du traité se rapportent a ta protection des droits de tous les
habitants
de la Turquie, à celle de tons ses
ressortissants,
et à celle de ses ressortissants
appartenant à des
minorités
ethniques.
Fonds A.R.A.M